Exclusif. Partie 1. Entretien avec le Pr Noam Chomsky: ” Les évènements en Tunisie et en Egypte ne sont comparables nulle part ailleurs dans le monde”
Poste par faycal fév 2nd, 2011 categorie Dossiers. Vous pouvez suivre les reponses via RSS 2.0. Vous pouvez commenter et trackbacker cet article Print This PostDans un entretien téléphonique qui a duré 40 minutes, Noam Chomsky nous a livré ses analyses sur les révoltes populaires en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays et l’embarras des États-Unis, d’Israël et de l’Europe qui craignent de voir des régimes “amis” tomber et remplacés par des démocraties libres.
Nous avons également abordé avec lui plusieurs autres points : la situation en Algérie, le positionnement militaire américain dans la région du sahel, la nature de l’AQMI, etc.
Il a aussi été question dans l’entretien, des dernières révélations de wikileaks, de la politique d’Obama au Moyen-Orient, du cas iranien, de la politique israélienne, des attentats du 11 septembre,…
1° partie
Algerie-Focus.Com : Quelle lecture faites-vous des révoltes populaires qui secouent actuellement la Tunisie et l’Egypte et plusieurs pays arabes ? Le gouvernement Américain s’attendait-il à des soulèvements aussi importants ?
Noam Chomsky : Ces évènements sont vraiment spectaculaires, il a eu, au moins en Tunisie, une victoire partielle des forces populaires, qui ont chassé le dictateur qui a tenté de réinstaller un gouvernement similaire au sien. Où cela mènera-t-il à présent ? C’est difficile à dire.
En Égypte, il y a une démonstration de force et de courage remarquable de la part d’une partie massive de la population pour tenir la place, lutter contre la police et résister contre le pouvoir étatique et continuer à étendre les protestations. C’est vraiment impressionnant et c’est difficile de penser à des évènements semblables et comparables nulle part ailleurs dans le monde.
Certaines personnes comparent ces évènements aux révolutions qui ont eu lieu en Europe de l’Est, mais ce n’est pas du tout la même situation. Pour commencer, il n’y a pas de Gorbatchev parmi ces pouvoirs impériaux. Par ailleurs, les USA et leurs alliés, nous ne devons pas l’oublier, gardent leurs positions habituelles : La démocratie, pour eux, est une bonne chose, mais jusqu’à un certain point. Elle est acceptable chez l’ennemi, et nous (les américains ndrl) ne voulons pas aller à contre courant. Car, la démocratie n’est bonne que si elle participe à des objectifs stratégiques et économiques. Ainsi, les opposants en Europe de l’Est ont eu un soutien puissant de la part des principaux pouvoirs dirigeants dans le monde et ils ont rencontré peu de résistance. Dans les cas tunisien et égyptien, c’est tout à fait différent. Il n’y a pas de soutien puissant, les USA et la France, dans le cas de l’Afrique du Nord plus particulièrement, tentent sans aucun doute, de trouver une solution leur permettant de coller au scénario prévu dans ces cas là.
Nous ne devons pas oublier qu’il existe une longue série de situations où il était impossible de soutenir quelques uns des tyrans favoris et il y a une routine standard pour répondre à cette situation : vous les soutenez aussi longtemps que possible, lorsque cela devient impossible, par exemple lorsque l’armée se retourne contre le tyran, alors il faut effectuer un virage à 180°, prétendre soutenir la révolte populaire, effacer le passé – à l’évidence le passé est embarrassant – ensuite il faut travailler dur pour essayer de restaurer une situation à peu de choses près identique à celle qui précédait.
C’est le scénario que jouent les USA, la Grande-Bretagne et la France de manière répétée au cours des dernières années avec entre autres : Marcos aux Philippines, Duvalier en Haïti, Chun en Corée du Sud, Ceausescu en Roumanie – qui était le « chéri » de l’occident – Suharto en Indonésie. C’est tout simplement une routine. Je présume qu’actuellement c’est ce qu’ils essayent de faire avec Moubarak, il est reconnu qu’il ne peut plus être soutenu mais, en même temps ils ne veulent pas qu’un réel changement arrive.
Entretien réalisé par Fayçal Anseur
Traduction au français par http://www.algerie-focus.com/
Noam Chomsky, originaire d’une famille juive de Pennsylvanie, passe son enfance absorbé par la lecture. Après son doctorat, il se lance dans la linguistique, en rejetant les idées en vigueur. Il est connu comme le fondateur de la grammaire générative transformationnelle et enseigne la linguistique au MIT (Massachusetts Institute of Technology) à partir de 1955, puis y devient professeur honoraire.
Noam Chomsky s’engage publiquement en politique, notamment contre la guerre du Viêt-nam dont il est l’un des principaux opposants. Ses sujets de prédilection : la guerre et la paix, l’intelligence, la créativité, l’humanité, les sciences sociales… dépassent très largement la linguistique. Avec plus de 30 livres et 700 articles, il est l’un des auteurs les plus cités.
Très connu pour son activisme politique et notamment sa critique de la politique étrangère des États-Unis- notamment leur soutien inconditionnel à Israël- et des médias, Noam Chomsky, sympathisant de l’anarcho-syndicalisme, se définit lui-même comme un anarchiste socialiste. Chomsky considère que le mot “terrorisme” permet aux gouvernements de se dédouaner de la dimension terroriste de leurs propres politiques. Il est également un fervent défenseur de la liberté d’expression.
En ce qui concerne les médias, Noam Chomsky a cherché à révéler les processus par lesquels ceux-ci tendent à enfermer les sociétés démocratiques dans un carcan idéologique. Il montre comment les médias inondent l’électorat sous un flot d’informations beaucoup trop dense pour qu’il puisse servir de support à la réflexion et qui conduit à des analyses à sens unique, basées sur des présupposés jamais remis en question. Démythifiant la prétendue neutralité des médias, Chomsky dévoile leur servilité envers le pouvoir.
Très apprécié à l’extrême gauche, Noam Chomsky est soumis à de vives critiques de la part des libéraux et des partisans de la droite américaine. Cependant, reconnu comme l’un des plus grands intellectuels vivants, Noam Chomsky a reçu de nombreux diplômes honorifiques des plus grandes universités du monde. Il est l’auteur d’une centaine de livres
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