Face au sondage bidon de l’institut Harris Interactive,
il fallait résister ! Immédiatement ! Instantanément ! Comme lors de la
parution du rapport du COR sur les retraites qui prétendait prévoir
l’avenir sur quarante ans ! A l’époque nous avons résisté séance
tenante. Et en deux jours étaient ridiculisés tous ceux qui s’y
référaient. Ce point de départ nous facilita considérablement
la tache de mobilisation contre la réforme Sarkozy. Cette fois ci je me
suis senti un peu seul dans les heures qui comptaient, les premières.
Sont en cause de misérables réflexes : le manque de sang froid,
l’occasion médiocre de coller sur le dos de tel ou tel autre la
responsabilité de la situation, le goût de faire des bavardages
sociologiques à deux sous, l’habitude de se coucher devant les
injonctions de l’industrie du spectacle médiatique. Cependant ajoutons
qu’il fallait répondre à un évènement dont personne ne savait rien. Il
fallait donc jouer sur ses réflexes. Et précisément ce que l’on a vu
n’était pas joli joli. Palme du cynisme, comme souvent, à François
Hollande qui a assumé de ne « pas critiquer les sondages » et aussitôt
tiré parti du résultat pour exiger de tous les autres candidats de
gauche qu’ils se retirent ! Ceci explique cela, évidemment. Je vais en
parler. Finalement seule Ségolène Royal a aussi vu venir l’ennemi et sa
grosse manipulation. Mais sur le champ, dans les heures d’émotion où des
journalistes vous harcèlent pour répondre alors même que la plupart des
éléments précis vous manquent, le nombre des résistants au bidonnage
fut très restreint. Il fallait avoir une carcasse théorique solide !
Mais la suite a prouvé que mon réflexe était le bon !
Tachons de comprendre comment le bidouillage est
désormais inscrit dans le code génétique des instituts de sondage.
Aujourd’hui pire que jamais. Apprenez ceci. L’industrie du sondage butte
sur un énorme problème. Le nombre de
gens qui acceptent de répondre est déclinant. Les gens ne veulent plus
participer à un exercice qui leur parait futile. D’ailleurs il est
amusant de savoir qu’une « enquête » d’opinion a révélé que 54 % des
sondés avouent mentir aux sondeurs. Ce qui laisse perplexe sur ce qu’il
faut en conclure : mentaient-ils aussi à cette occasion ? Donc pour
avoir une personne qui accepte de répondre dorénavant il faut faire
vingt fois plus d’appels téléphoniques qu’avant. Vous suivez ? Quelle
conséquence ? Il ne s’agit pas d’un aspect intellectuel. C’est une
réalité matérielle. Cette situation fait que le coût de la réalisation
d’un sondage augmente. D’où l’invention de nouvelles méthodes pour
constituer un panel de personnes qui répondent. Dorénavant les sondeurs
recrutent au hasard des gens qui acceptent d’être sondés. En échange il
leur propose soit de l’argent (une camarade reçoit 2,67 euros pour une
série de question sur vingt huit minutes) soit contre participation à
une loterie. Ce sont donc souvent des militants qui acceptent de
s’inscrire. Mais eux-mêmes avouent qu’ils n’ont pas toujours le temps à
perdre pour se torturer le cerveau sur ce qui n’est pas de la politique.
D’aucuns me disent qu’ils répondent donc n’importe quoi au bout de dix
minutes. Le tout c’est de remplir toutes les cases pour arriver au droit
d’être dans la loterie ou recevoir sa prime ou les deux à la fois.
Harris Interactive met en place un tel système de participation à un jeu
concours, très officiellement contrôlé par huissier. Il permet de
gagner des lots qui sont en fait des chèques bancaires par tirage au
sort. Selon le site d'information Mediapart, M. Lévy "est bien obligé de
reconnaître" que son institut pratique une forme de "rémunération".
Pour attirer le chaland et le motiver à répondre à son enquête, réalisée
sur internet. Au cas présent, comme tout le monde le sait maintenant,
l'institut a organisé un jeu-concours et fait miroiter une récompense.
Au final, on apprend que 7.000 euros ont été offerts à l'un des 1.600
membres du panel. Frédéric Dabi de l'Ifop, un autre spécialiste des
sondages politiques, admet également que son institut dédommage les gens
pour le temps passé à répondre. "Pour cela, on les inscrit à un
programme de fidélisation, qui revient à 10 centimes d'euros par
questionnaire, ce qui est extrêmement symbolique", a-t-il déclaré à
l’AFP. "On ne veut pas instaurer avec eux de relations mercantiles". Ben
voyons, c’est juste par amitié.
Apprécions mieux cette dimension de l’affaire
en lisant cet extrait d’interview du patron de Harris Interactive que
j’ai trouvé dans Marianne 2. Voici la question : « Une personne «
gratifiée » pour répondre à un sondage politique est-elle dans le même
état d'esprit qu'un citoyen ? » Voici la réponse merveilleuse du
manipulateur. « L’idéal de démocratie devrait amener les citoyens à
participer sans le moindre stimulus. » Un détail : en quoi le fait de
répondre a un sondage est-il un acte
citoyen ? N’est-ce pas plutôt le contraire ? Voyons la suite
« Aujourd’hui, on remarque que certaines catégories de population
répondent plus facilement si elles entrevoient une forme de
gratification potentielle ou envisageable. L’enjeu est évidemment de
faire en sorte que le stimulus ne soit pas l’unique motivation à
répondre à une enquête. » La phrase dit clairement que cependant la
rémunération est une des dimensions de la motivation. Comment ce biais
est-il lui-même ensuite corrigé ? L’est-il ?
« A Harris Interactive, déclare son patron,
nous avons, après avoir effectué des recherches, opté pour la
participation à une sorte de loterie. Il s'agit là de la stimulation
ayant le moindre impact social. La probabilité de "gain", reste
extrêmement faible. Tant qu’à la fin des questionnaires un nombre
conséquent d’interviewés nous remercierons de leur avoir « donné la
parole », nous pourrons considérer que « l’appât du gain » n’a pas porté
atteinte à la sincérité des réponses. » Sans commentaire tant le
cynisme est grossier. Notons que personne ne saura jamais qui, ni
combien, ont remercié ce monsieur de leur avoir « donné la parole ». Ce
que l’on sait : c’est cela que promet sa notice d’incitation à
s’inscrire dans un panel de sondés « gratifiés » pour « influencer les
décideurs ».
Ce sondage Louis Harris était donc un sondage « en ligne ».
Il a donc été réalisé en questionnant des sondés « gratifiés » et bien
clientélisés. Non seulement qu’il n’y a aucune certitude sur l’identité
de celui qui répond mais il n’y en a pas non plus sur ses motivations :
répondait-il à des questions ou avançait-il vers la case d’accès à la
loterie ? Ce sondage était aussi un sondage « omnibus ». C'est-à-dire
que les questions sur la présidentielle sont posées entre deux questions
sur la mairie de Paris et sur la qualité de divers produits
cosmétiques. Inutile de dire que tout cela aggrave considérablement tout
ce que l’on dit d’habitude contre ce type « d’enquête ».
Mais tout de même ! Ca ne faisait pas bon genre
de contester la validité du sondage. Des années de débat, des centaines
de textes et de livres sur la question, tout Bourdieu (haï de la caste
des médiacrates) tout Champagne et Garrigou, pour ne parler que d’eux
ont été rayés de la carte intellectuelle par un petit monde cynique et
avide de bons coups qui évitent de réfléchir et de créer des stratégies
de conquête politique fondées sur de la conviction. C’est tellement plus
confortable de commenter un sondage en se donnant le beau rôle sur le
mode « ce n’est pas de ma faute c’est celle du voisin ». Dans ces heures
difficiles, la voie doucereuses de la capitulation prend mille
intonations sinueuses : « il ne suffit pas de casser le thermomètre pour
faire tomber la température », « tout de même, il n’y pas de fumée sans
feu », « il ne faut pas faire l’autruche ». Et ainsi de suite ! Il ne
s’agit pas de nier que l’extrême droite avance. S’il en est ainsi c’est
parce qu’elle se nourrit d’abord de l’extrême décomposition de la
droite. Et ensuite de l’effondrement de la sphère politique dans un
spectacle sans contenu ! On le sait ! Mais dans ce cas il s’agit de ne
pas participer à la manœuvre de ceux qui affirment sans fondement que le
premier parti politique du pays serait le Front national et qu’un
français sur quatre serait prêt à donner les clefs de la maison à
l’extrême droite !
N’empêche, c’est bien joué. Le piège du
sondage bidon de l’institut de massage électoral Harris Interactive a
fonctionné à mille pour cent, avec la complicité plus ou moins
consciente de bien des belles personnes. Le résultat de l’enquête a été
pris pour argent comptant. Comme si avait un fondement la pseudo réalité
que met en scène un sondage. Dès lors, ce qui n’existait
que dans l’alambic bricolé d’un sondage omnibus est devenu une réalité.
Puisqu’elle était en débat. Le débat a créée la réalité du résultat du
sondage dans les esprits de ceux qui recevaient l’information. J’ai
nommée « méta-réalité » cette réalité fondée par le fait « qu’on en
parle ». Le mot désigne un « au delà du réel » comme le mot métaphysique
désigne un discours qui prétend décrire la réalité au delà du monde
physique. Un au-delà qui n’existe pas. Mais dont l’existence supposée
fait agir très concrètement dans la réalité vraie. C’est ce qui s’est
passé là. En plaçant madame Le Pen en tête du premier tour tout le débat
politique s’est aussitôt recentré sur la magouille de la stratégie
électorale. En ce sens la méta-réalité est un moment de la réalité. Il
faut en jouer nous aussi. Appuyons nous sur l’indignation et le soupçon
que déclenche cette opération pour frapper le système qui les produit.
C’est le moment de militer pour la loi Sueur-Portelli, adoptée à
l’unanimité du Sénat. Quand viendra-t-elle en débat à l’Assemblée ?
Faisons d’une pierre plusieurs coups : discréditons les instituts de
sondages, dénonçons le gouvernement qui ne veut pas d’une loi comme
celle-ci et préfère la magouille.
En attendant, les pauvres progrès accomplis dans le débat sur
le fond ont été aussitôt anéantis. Retour à la case départ. Pour
affronter le diable de confort il faudrait se regrouper sans condition
vers nos chefs de meute auto proclamés. Pour aborder cet aspect du
sujet je vous donne à lire un éditorial que j’ai découvert dans les
« Dernières Nouvelles d’Alsace ». C’est un texte réconfortant. Il l’est
en ceci qu’il montre comment de tous côtés, et notamment parmi les
professionnels des médias des interrogations se font jour, des remises
en cause peuvent s’opérer par delà tous les corporatismes et les
engagements. Car nombreux sont ceux qui sentent qu’une limite a été
atteinte. Cette fois-ci un pallier dans la déchéance de la démocratie
politique pourrait être franchi. Ce que vous allez lire rend plus urgent
que la loi, expression de la volonté de tous fasse respecter l’ordre
public démocratique, qui est incompatible avec les mœurs des mercantiles
du type de cet institut qui vendraient père et mère pour un coup de
pub. Les consciences sont mures pour cette loi !
« Où va-t-on, amis journalistes ?
L’éditorial d'Olivier Picard. Les Dernières Nouvelles d'Alsace – 9 mars
2011. « Et si on refusait, nous, les journalistes, de nous soumettre à
la dictature des sondages ? De refuser d’entrer dans la ronde
infernale de ces enquêtes d’opinion dont les rouages secrets nous
échappent ? De rejeter l’abrutissement progressif que nous assène la
mesure d’une majorité sur tous les sujets ? De ne pas répondre à ce
besoin de vérifier que nous sommes comme il faut, que nous pensons comme
il faut, que nous choisissons au supermarché comme il faut, que nous
avons des comportements comme il faut à la maison, dans la rue et jusque
sous la couette ?
Réaction, extrême sûrement, à une dérive extrême. Contestable,
évidemment, par son manque de nuance, et par son utopie qui fait fi de
la curiosité et de l’irrépressible tentation, tellement humaine, de
comparer, de créer une compétition non seulement entre les hommes mais
entre les concepts. De jouer, tout simplement… Nous ne sommes pas
jansénistes après tout. Ah, l’excitation des classements, des
projections avant le verdict des urnes, du calcul des rapports de force :
qui niera, sans hypocrisie professionnelle, qu’elle produit
l’adrénaline du feuilleton politique ? Ce vertige artificiel qui met en
tension l’actualité du pouvoir et des réalités.
Cette lucidité salutaire, luxe démocrate, en appelle une autre : le
sondage, et en particulier le mauvais sondage, est en train de tuer le
débat politique. C’est un alcool fort. Une véritable addiction qui
ravage peu à peu, élection après élection, la liberté des acteurs de la
comédie du pouvoir. Stratégies, attitudes et jusqu’aux décisions
majeures comme mineures sont guidées par les réactions supposées de ceux
auxquels elles s’adressent. A ce degré, c’est nouveau.
Les communicants qui manipulent l’instrument sondagier comme une
règle à calcul infaillible nous font glisser de la démocratie d’opinion,
déjà risquée, à une reddition générale de l’instinct et de la raison
politiques.
Et voilà qu’on découvre que de nombreux sondages sont régis, d’une
façon ou d’une autre par des concours d’argent. Alors là, c’est le
pompon clinquant d’un manège politique devenu fou. L’adoption rapide par
l’Assemblée de la proposition de loi, votée à l’unanimité par le Sénat,
qui exige la transparence d’enquêtes qui ont la puissance de manipuler
le jeu politique serait un minimum. Elle ne suffira pas pour autant à
réhabiliter une information politique largement décrédibilisée. Encore
faudra-t-il, comme nous le faisons aux DNA, savoir dire non aux sondages
qui n’ont aucun sens. Être scrupuleux. Sélectifs. C’est simple, après
tout. Une question de volonté. Celle de résister à un spectaculaire
vide, pour privilégier un journalisme affranchi. Une question de dignité
pour des journaux qui doivent à leurs lecteurs ce respect et cette
ambition élémentaires. Olivier Picard » Rien à ajouter.
« L’institut » Harris Interactive a évidemment utilisé subtilement
la sottise des premières réactions. Comme j’ai été le seul à critiquer
la méthode elle-même et l’abus de confiance, le sondeur se sentait fort.
Puisque personne d’autres que
moi parmi les candidats ne contestait l’outil lui-même, quelle critique
restait-il ? La plus stupide et la plus contre performante ! Que l’on
n’aurait pas sondé les bons noms. C’était bien le but de la manœuvre.
C’est donc « à la demande générale » que le nom de Strauss-Kahn a été
introduit dans le tuyau avec celui de ce pauvre Hollande comme faire
valoir. Cette méthode a permis de faire d’une pierre deux coups. Premier
but atteint : il ne resterait que Strauss Kahn ou Sarkozy dans chaque
camp pour représenter la droite ou la gauche. Affirmation scientifique
d’un institut de sondage qui a fait l’enquête à la demande des personnes
concernées par le précédent sondage. Complément subliminal : l’un ou
l’autre est automatiquement élu au deuxième tour. Car bien sûr tout le
monde sait que madame Le Pen ne peut pas être élue au deuxième tour.
Face à Jean Marie Le Pen en 2002, Chirac pourtant perdu de réputation et
pris jusqu’au cou dans les affaires avait été réélu avec quatre vingt
pour cent des voix ! Est-ce pour masquer l’ampleur de la manœuvre que
« le Parisien » titre « Sarkozy, Strauss-Kahn, Hollande : tous battus !»
Battus ? Mais au premier tour de ce sondage. Dans la vraie vie, au
deuxième tour, n’importe lequel d’entre eux battrait marine Le Pen sans
distribuer un seul tract.
Je donne encore la parole à un journaliste pour
expliquer ce point. C’est Philippe Cohen, du journal Marianne. « A
l'endroit ou à l'envers, selon le camp dans lequel on tricote sa pelote.
Le terrible sondage Harris-Le Parisien souligne un drôle
de paradoxe : désormais le candidat de l'UMP comme celui du PS va rêver
d'affronter Marine Le Pen au second tour pour mettre de son côté toutes
ses chances de gagner. Pour Nicolas Sarkozy, cette hypothèse est même
en train de devenir la seule lui permettant d'espérer la victoire. Dès
lors, la priorité absolue, à droite comme à gauche va être d'éliminer
tous ses concurrents et d'imposer une candidature unique dans son
camp. »
C’est évidemment François Hollande qui a
frappé le plus fort, séance tenante pour réclamer un retrait général
devant le candidat socialiste. Mais à droite aussi il y a eu des grands
esprits aussi peu finauds pour saisir trop vite et trop fort l’occasion
que préparait ce sondage. Evidemment l’éditorial de « Libération » était
là pour monter en ligne dans la bataille des manipulateurs. « Une fois
la compétition lancée, si la gauche radicale devait renvoyer Sarkozy et
le candidat socialiste dos à dos, elle apporterait alors de l'eau au
moulin frontiste. Une multiplication des candidatures à gauche, au-delà
du raisonnable, affaiblirait aussi ses chances de victoire. » Hop ! On
se souviendra que ce journal de donneur de leçon relégua en page huit
mon débat avec Marine Le Pen et de surcroit en nous renvoyant dos à
dos ! Mais j’étais à la une comme « L’homme qui veut faire battre
Strauss Kahn ».
Mais c’est encore petite bière que ces grosses ficelles.
Le pire a été le traitement médiatique qui a reproduit jusqu'à la
nausée l’univers sémantique qui fait pousser dru le Front national. On
ne compte plus les unes et les articles à l’accroche
sensationnaliste lepenisante. « Le sondage qui affole la classe
politique » « Qui a peur de Marine Le Pen » et ainsi de suite. Rien
n’est meilleur pour l’intéressée que cette façon de la mettre en
championne de l’anti système. Juste auparavant les mêmes avaient
reproduit en boucle encore les informations qui montraient un FN rallié
de tous côtés par des gens de gauche. Ici un syndicaliste CGT, là des
militants du NPA et la liste s’allongeait. Aucune enquête, aucune
indication de la manière dont ces informations étaient remontées
jusqu’aux champions du journalisme d’investigation « je n’ai pas à vous
donner mes sources » que nous connaissons tous. Vu de près, une fois
décrypté un à un on découvre là encore la manœuvre. Le cégétiste l’était
depuis quatre mois, la NPA n’a jamais eu de carte au NPA mais sa maman
en avait une au FN, et ainsi de suite. C’est comme ça que dans une
émission une zélée de l’investigation fit surgir contre moi un groupe de
quatre membres d’une famille du Pas de Calais composé de deux
communistes et deux socialistes passés au FN. Comme si l’extrême droite
était composée de transfuges de la gauche.
Evidemment cette journaliste avait mené son
investigation de terrain en téléphonant au siège du Front national et
n’a jamais vérifié la véracité des affirmations des comédiens locaux. Il
s’agit évidemment d’une manœuvre. Au point de départ il y a les
manœuvriers retors du Front national et à l’arrivée un journaliste
surbooké « qui n’a pas le temps » mais qui a de solides préjugés. Le
mythe de l’ouvrier de gauche raciste et xénophobe fait parte de la
bataille idéologique de la droite et du monde des belles personnes pour
qui le peuple doit être tenu à sa place répugnante. Dans cet
environnement médiatico politique voici un document qui fait du bien. Un
texte de grande tenue. Celui que vient de diffuser aux secrétaires
généraux des syndicats CGT Bernard Thibault. Je le publie pour
contribuer à sa diffusion déjà bien engagée sur la toile puisque je l’ai
déjà reçu trois fois dans ma boite aux lettres. Il faut évidemment que
ce texte soit connu de tous côtés. Il met les pendules à l’heure.
Montreuil, 8 mars 2011 -Bernard Thibault, Secrétaire général de la CGT.
« Cher(e)s
camarades, à circonstance exceptionnelle, démarche exceptionnelle, je
m’adresse directement aux secrétaires généraux des organisations de la
CGT suite à l’annonce par la direction d’un parti politique, le Front
national, de son intention de porter plainte à l’encontre de la CGT au
motif qu’un de ses candidats aux élections cantonales est suspendu dans
l’attente d’autres décisions. La direction du Front national revendique
au travers de la tenue de ce futur procès d’en faire « un événement dans
la vie politique et sociale française en faisant reconnaître le FN
comme un parti politique comme les autres ». Pour eux « la liberté
d’opinion est bafouée », « il faut déverrouiller l’étau syndical » et
cela s’inscrit «dans la stratégie de Marine Le Pen de conquérir le champ
social et le monde du travail » dixit P. Alliot, Vice Président du FN.
Naturellement, la CGT saura répondre devant tout tribunal de son
bon droit. Les jurisprudences européenne et française sont suffisamment
fournies pour qu’il n’y ait aucun doute sur l’issue juridique de cette
affaire. Ce n’est pas tant le terrain du droit qui motive le FN que la
campagne que cette affaire peut alimenter. Nous avons à faire face à une
volonté délibérée d’instrumentalisation du combat syndical et donc de
la CGT pour promouvoir les thèses du FN parmi les salariés. Après que
nous ayons mis en échec par voie de justice, dans les années 90, toutes
les tentatives du FN de créer des pseudos syndicats qui n’étaient que
des succursales de ce parti (FN-Police, FN-RATP …), nous avons également
repoussé la tentative du FN de présenter ses candidats derrière la
façade de la Confédération Française nationale des Travailleurs (CFNT)
aux élections prud’homales de 2008. Confronté à ses échecs successifs,
le FN avait explicitement indiqué dès cette époque que sa stratégie
consistait à s’infiltrer dans les organisations existantes. Nous savons
qu’il y est parfois parvenu dans des sections syndicales d’autres
confédérations peu regardantes. Cet entrisme dans les syndicats a
clairement pour objectif d’en faire des marchepieds au service d’une
stratégie politique.
C’est ce qu’il a réalisé dans le syndicat CGT des Territoriaux de
Nilvange affilié à la fédération des Services publics et à l’union
départementale de la Moselle. Comment comprendre le choix du FN de
présenter aux élections cantonales un adhérent de fraiche date (4mois)
si ce n’est pour instrumentaliser sa première qualité de secrétaire
général d’un syndicat CGT. Cette appartenance syndicale qui est
historiquement une tare aux yeux de l’extrême droite compte tenu « de la
philosophie marxiste de la CGT » devient subitement une qualité en
période électorale.
Les deux organisations, union départementale et fédération
concernées, travaillent en étroite relation pour faire face à la
situation. Les membres de la Commission exécutive confédérale réunis le
1er mars ont apporté un soutien unanime aux procédures qu’elles ont
engagées. Nous avons également décidé d’élaborer un argumentaire
détaillé pour les organisations qui reviendra sur la véritable nature du
FN. J’ai clairement indiqué lors de notre discussion qu’il revenait en
particulier aux secrétaires généraux des organisations de la CGT de
veiller au respect des valeurs fondamentales et des statuts de la CGT
dans leur organisation. Cela nécessite de revenir sur quelques principes
: la CGT est ouverte à tous les salariés quels que soient leurs statuts
social et professionnel, leur nationalité, leurs opinions politiques,
philosophiques et religieuses. La liberté de candidature aux élections
politiques est elle aussi reconnue dés lors qu’elle s’exerce en
respectant l’indépendance de l’organisation et que nul ne se réclame de
son appartenance à la CGT pour des fins autres que l’action du syndicat.
C’est une
règle de vie commune qui s’applique quelques soient les étiquettes et
qui préserve ainsi l’unité des adhérents dans la CGT pendant et au-delà
des campagnes électorales.
Ces principes rappelés, il n’est cependant pas envisageable qu’au
nom de la liberté d’opinion dans la CGT, la CGT puisse être
représentée, à quelque niveau que ce soit, par des militants
revendiquant par ailleurs publiquement leur adhésion au concept de «
préférence nationale » qui est le socle du FN. Ceci pour une raison
simple mais oh combien essentielle : cela est contraire aux principes et
aux valeurs fondamentales de la CGT inscrits dans ses statuts. La CGT «
agit pour une société démocratique, libérée de l’exploitation
capitaliste et des autres formes d’exploitation et de domination, contre
les discriminations de toutes sortes, le racisme, la xénophobie, et
toutes les exclusions » (statuts de la CGT). Le FN, quoi qu’il en dise,
ne peut pas être considéré comme un parti politique comme les autres,
par la CGT comme par l’ensemble du mouvement syndical. Les positions du
FN, en préconisant la préférence nationale sont même contraires aux
principes républicains et aux textes internationaux, comme les tribunaux
l’ont dit lors de jugements successifs. Il est de notre responsabilité
dans ce contexte de faire preuve d’une grande vigilance et d’une
réactivité collective déterminée. C’est une exigence supérieure à toute
autre considération, y compris la perte éventuelle de syndiqués, voire
exceptionnellement la perte d’un syndicat.
On ne transige pas avec les valeurs fondatrices de la CGT. Les
organisations syndicales qui, en Europe, n’ont pas su porter les
principes d’entraide et de solidarité qui sont au fondement de la
constitution des syndicats, sont aujourd’hui en prise aux pires
difficultés, avec des partis d’extrême droite très influents, voire au
sein de gouvernements.
L’histoire nous enseigne que les partis fascistes se sont souvent
parés de vertus sociales pour accéder au pouvoir. Face à ce risque
majeur pour les salariés et la démocratie, il est de notre
responsabilité d’éclairer les salariés par l’information et le débat sur
la réalité des thèses et des positions du FN, sur le plan économique et
social comme en matière de libertés publiques. Même repeinte à « la
couleur Marine », l’exploitation par le FN des peurs et de la précarité
sociale engendrée par les politiques en vigueur demeure la même et
trouve sa source selon lui dans une cause principale : l’étranger.
L’immigré comme le français qui n’est pas « de souche » sont ainsi
présentés comme les responsables de tous les maux. Cela a comme
conséquence de détourner l’attention des véritables causes de
l’exploitation dont les salariés, quelque soit leur origine, sont
victimes et donc de contribuer à entretenir le système tant décrié.
D’ailleurs, régulièrement, les déclarations du FN ont dénoncé les
mobilisations syndicales, ce fut encore le cas lors des manifestations
pour défendre les retraites.