Dix contrevérités sur les retraites
1) L’âge moyen de
départ à la retraite est de 61,5 ans, reculer l’âge légal de départ à la
retraite ne changerait donc rien. L’âge moyen de « départ à la
retraite » est celui auquel on fait valoir son droit à pension. Ce qui est
important, c’est l’âge de cessation d’activité. L’âge moyen de cessation
d’activité est de 58,8 ans, et six salariés sur dix sont hors emploi (chômage,
invalidité, inactivité ou dispense de recherche d’emploi) au moment de liquider
leur retraite. Très souvent, les salariés ayant eu une carrière courte et/ou
heurtée, en particulier les femmes, liquident leur retraite à 65 ans pour
pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein sans décote, alors même qu’ils
sont déjà hors du marché du travail. Reporter l’âge légal de la retraite
au-delà de 60 ans aurait une double conséquence : les systèmes de chômage
ou de préretraites vont devoir financer en plus ce que les systèmes de retraite
financeront en moins, et en parallèle, la période hors emploi avant l’âge de
départ en retraite s’allongera pour beaucoup, avec des ressources dérisoires ou
nulles. L’âge du taux plein (65 ans) sera repoussé d’autant, signifiant qu’une
proportion croissante de salarié-es devra reculer son départ pour atteindre la
nouvelle borne ou bien avoir une pension amputée par la décote.
2) L’espérance de vie
augmente, c’est normal de travailler plus longtemps.
L’augmentation de
l’espérance de vie n’est pas nouvelle, elle n’a pas empêché que le temps passé
au travail dans une vie baisse en parallèle. De plus, l’espérance de vie
« en bonne santé », c’est-à-dire sans incapacité, est beaucoup plus
faible que l’espérance de vie. Tout départ en retraite tardif obère de façon
non négligeable le temps dont les salariés disposent pour jouir réellement de
leur retraite. Enfin, les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie
active et de nombreux salariés, dont une majorité de femmes, ont des carrières
discontinues et n’arrivent déjà pas à réunir le nombre d’annuités demandé,
alors même que les entreprises se débarrassent des salariés âgés.
L’augmentation de la durée de cotisation ou le report de l’âge légal de départ
à la retraite aurait donc des conséquences importantes lors de la liquidation
de la retraite et se traduirait en pratique par une pension réduite pour le
plus grand nombre.
3) Les jeunes ne
pourront pas financer les pensions des futurs retraités, il faut donc que ces
derniers travaillent plus longtemps.
Pour que les jeunes puissent payer les
pensions des retraités, il faut qu’ils ne soient pas au chômage et donc que les
salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux nouvelles
générations. Décaler l’âge de départ à la retraite revient à préférer
entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer des retraites. La retraite
par répartition repose sur un contrat implicite : la génération qui
travaille prend en charge part à la retraite bénéficie à la génération suivante
et cette dernière prend à sa charge la génération en formation, et celle partie
à la retraite. Ainsi chaque génération monte sur les épaules de la précédente
et la création de richesse est partagée entre actifs et retraités. C’est ce
contrat intergénérationnel que le gouvernement et le patronat tentent de
détruire en voulant faire travailler plus longtemps les générations les plus
jeunes.
4) Le système par
répartition ne sera plus capable de garantir des pensions décentes aux jeunes
générations, celles-ci doivent donc d’ores et déjà se prémunir en se
constituant un supplément de retraite par une épargne privée.
Si on estime possible
de compléter les cotisations pour le système public par répartition par des
versements dans une épargne privée, qu’est-ce qui empêche alors d’augmenter les
cotisations et de garantir une meilleure retraite grâce au système par répartition ?
5) Les fonctionnaires
sont des privilégiés. Le niveau des retraites est équivalent dans le secteur
privé et dans la fonction publique : en moyenne 1625 euros par mois dans
le privé, 1593 euros dans la fonction publique. Le mode de calcul de la retraite
est différent dans le privé et dans le public, mais cela aboutit à un résultat
similaire. Dans le secteur privé, elle est calculée sur les 25 meilleures
années et les primes sont prises en compte. Dans le public, c’est le salaire
des 6 derniers mois, mais les primes ne sont pas prises en compte et la
retraite complémentaire n’est pas de même niveau que dans le secteur privé.
6) Il y aura trop de
retraités et pas assez d’actifs.
Les projections démographiques ne sont pas
des vérités scientifiques et sont basées sur des hypothèses concernant
plusieurs paramètres (fécondité, chômage, taux d’activité des hommes et des
femmes, etc.). Déjà, depuis quelques années, les projections ont beaucoup
varié. Ainsi, à la fin des années 1990, tous les rapports officiels prévoyaient
un effondrement de la natalité. Il n’en a rien été. Jusqu’à récemment, les
mêmes rapports prévoyaient un effondrement de la population active dans le
futur. Les dernières prévisions de l’Insee font maintenant apparaître une
augmentation de la population active jusqu’en 2015 puis une stabilisation par
la suite. En outre, les hypothèses retenues sur la population active sont très
pessimistes, pour ne pas dire régressives : rien ne justifie en effet de
projeter, dans la tranche de 25 à 45 ans, un taux d’emploi des femmes inférieur
de 15 points à celui des hommes si ce n’est renoncer définitivement à toute
politique visant l’égalité entre les femmes et les hommes. De fortes marges de
manœuvre existent pourtant dans ce domaine, et un niveau d’emploi égal entre
hommes et femmes signifie qu’on retrouverait le même ratio retraités/actifs
qu’en 1970, donc sans aucune dégradation.
7) On ne pourra pas
financer les retraites.
À moins de décréter la paupérisation des
retraité-es, il est normal de couvrir les besoins sociaux liés à l’augmentation
de leur part dans la population par un accroissement des prélèvements sur la
richesse produite. Les déficits des caisses de retraite sont essentiellement
dus au refus obstiné de le faire. Pourtant, le besoin supplémentaire de
financement nécessaire aux retraites est réalisable puisqu’il a été chiffré en
2007 par le COR entre 1 et 2 points de PIB jusqu’en 2050, à comparer avec la
chute de la part de la masse salariale de 8 points au cours des dernières
décennies et avec l’explosion correspondante des dividendes, qui sont passés de
3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007. Il est donc juste d’augmenter
la part des salaires et des pensions dans la richesse produite en s’attaquant
aux profits. Le financement des retraites est possible à condition d’en finir
avec l’actuel partage éhonté de la richesse au bénéfice des revenus financiers.
C’est ce partage qui constitue le tabou à faire sauter, et non l’âge de départ.
Il s’agit là d’un choix politique de justice et de solidarité.
8) La solution pour
financer les retraites qui consiste à augmenter les cotisations patronales
serait néfaste à la compétitivité des entreprises.
Différents scénarios
ont été étudiés, avec l’hypothèse sur laquelle travaille le COR d’un gain de
productivité de 1,5% par an. Un de ces scénarios établit qu’il est tout à fait
possible de garantir à la fois le maintien du taux de remplacement (retraite
moyenne/salaire moyen) et une progression identique du pouvoir d’achat des
retraités et des salariés (de 1, 2%/an, soit une progression un peu moindre que
celle de la productivité) par une augmentation de 6 points des cotisations
patronales entre 2009 et 2050 : cette augmentation n’aurait aucun effet
sur la sacro-sainte compétitivité des entreprises, puisque ce scénario est fait
en prenant l’hypothèse du maintien à son niveau actuel de la part de la masse
salariale (salaires et cotisations) dans la valeur ajoutée, donc sans impact
sur les coûts. Ce scénario, même s’il n’est pas le plus favorable aux
salarié-es et retraité-es puisqu’il suppose que la part de la masse salariale
reste à son niveau actuel qui est historiquement bas, rend totalement inopérant
le seul argument du Medef contre l’augmentation des cotisations. Un scénario
plus favorable aux salariés et retraités est celui qui permet que la part de la
masse salariale augmente en rognant sur les dividendes, ce qui laisse inchangé
le coût du travail.
9) Pour financer les
retraites, il faut une croissance productiviste.
Fonder le financement
des retraites sur le partage des gains de productivité ne signifie pas que l’on
mise sur une croissance économique forte. Quels que soient les gains de
productivité futurs, ils devront être partagés entre le niveau de vie de tous,
actifs comme retraités, la satisfaction de nouveaux besoins sociaux et la
diminution du temps de travail.
10) Les dispositifs
familiaux dont bénéficient les femmes sont contraires à l’égalité entre les
hommes et les femmes.
Ce sont très majoritairement les femmes qui prennent en
charge les enfants et la gestion du foyer. De ce fait, elles sont pénalisées
dans leur carrière, elles s’interrompent ou travaillent à temps partiel. Même
en intégrant ces dispositifs familiaux, leur retraite est en moyenne inférieure
de 40 % à celles des hommes. Ils sont donc encore aujourd’hui essentiels
pour réduire les inégalités de pension entre femmes et hommes. Pourtant, le
droit communautaire européen remet ponctuellement en cause l’existence de tels
dispositifs. C’est une incohérence, puisqu’il reconnaît par ailleurs la notion
de discrimination indirecte, c’est-à-dire la légitimité à donner un avantage
particulier dès lors que celui-ci permet de réduire des inégalités sociales ou
de sexe. Il est impossible de se réclamer du principe d’égalité pour augmenter
les inégalités.
ATTAC- Fondation
Copernic